Chers adultes, vous POUVEZ lire des livres jeunesse !

Teen fiction

Épatant, n’est-ce pas ?

Soyons honnêtes, vous ne m’avez probablement pas attendue pour dévorer les Harry Potter, ainsi que quelques phénomènes littéraires, et vous relisez sans doute avec nostalgie les piliers littéraires de votre enfance et de votre adolescence. Mais lisez-vous des nouveautés en littérature jeunesse dont vous ne savez que peu de choses, pour votre propre plaisir, simplement parce que vous en avez envie ?

Si vous ne le faites pas, vous n’en mourrez certes pas tout de suite… mais vous passez peut-être à côté de beaucoup de choses que vous auriez adorées.

Vous avez peut-être remarqué, si vous êtes lectrice ou lecteur de Métafaure, que j’écris presque uniquement des chroniques de littérature jeunesse. Pourtant, je ne travaille pas avec des jeunes, ce n’est pas mon boulot, et je n’ai plus dix-huit ans depuis trop longtemps ! Non, je lis des livres jeunesse parce que j’aime ça. Pour de très nombreuses raisons, que je vais vous synthétiser ici.  Lire la suite

Lecture : W.A.R.P. #1 L’Assassin malgré lui – Eoin Colfer

Il ne s’agit pas d’Artemis Fowl mais de Chevie, une jeune espionne indienne-américaine de dix-sept ans. Ou alors c’est Riley, quatorze ans, plein de suie, pour draguer un lectorat de tweenies masculins.

 

Avez-vous lu la série des Artemis Fowl d’Eoin Colfer ? Parce que moi, oui. Je suis tombée dedans un peu comme dans la potion magique, vers onze ans, et j’ai ensuite voué un culte inébranlable à Eoin Colfer et au petit Artemis, qui a eu la délicatesse de grandir en même temps que moi (tous mes héros et héroïnes d’enfance n’ont pas eu cette gentillesse.)
Ainsi, quand je me suis retrouvée devant une table de librairie à Galway, avec un bon millier de livres bien au chaud sur ma liseuse, et que j’ai vu ce nouvel ouvrage de Colfer… Eh bien ni une, ni deux, j’ai bondi et je l’ai emporté avec moi. Je lis surtout au coup de cœur, ça ne me dérange pas d’acquérir un livre sans forcément le lire tout de suite, j’attends en général « le bon moment », celui où la lecture fera « clic », où j’en profiterai le plus. Là, ce bon moment, c’était approximativement lorsque j’ai passé la porte de la librairie. Je précise pour la suite que j’ai lu WARP en anglais, il n’y aura donc rien sur la traduction française, puisque je ne l’ai jamais eue sous la main.

Alors, je reviens sur Artemis Fowl, car c’est pour moi une œuvre majeure de l’auteur de ce livre et même s’il est tout à fait possible d’adorer WARP sans avoir lu toute la bibliographie de Colfer, ça reste un délice sans nom de lire quelque chose de différent, et de l’y retrouver quand même.
Dans cette précédente série, on suit un garçon de douze ans doté d’une intelligence hors du commun et d’un compte en banque inépuisable, sans supervision parentale, qui profite de croire encore aux fées pour découvrir tous leurs secrets et kidnapper l’une d’entre elles pour demander une rançon. Un vrai petit super vilain en puissance, épaulé de son garde du corps Butler, sans qui il n’aurait probablement pas survécu jusqu’au début de la série (il est très agaçant).
Si je devais résumer très vite les raisons pour lesquelles je tiens cette série en très haute estime, on aurait tout d’abord la plume de l’auteur et son humour qui me faisait hurler de rire quand j’avais douze ans (j’étais déjà bon public, mais tout de même), le traitement des personnages qui était parfois acide mais toujours plein d’affection, et une galerie de personnages absolument fantastique, avec une part importante donnée aux femmes. Parenthèse féministe : oui, voir des femmes dans des rôles intéressants, c’est très important pour les petites filles ET les petits garçons, une Hermione par saga, ce n’est jamais suffisant.

Bref, pour moi, Eoin Colfer avait déjà su mélanger à la perfection les ingrédients rêvés pour une saga pour ados complètement réussie. Avec WARP, la question était donc de savoir s’il allait à nouveau réussir son coup, avec une histoire et des personnages très différents… N’en faisons pas des tonnes avec le suspense : je pense que oui, c’est dans la poche.

L’Assassin malgré lui, c’est Riley, un orphelin de l’ère victorienne, recueilli par un véritable assassin et prestidigitateur qui veut faire de lui un meurtrier de génie à qui transmettre tout son art.

Un peu plus d’un siècle plus tard, Chevie, dix-sept ans, est agent du FBI en probation suite à une bavure, ce pour quoi elle est envoyée à Londres surveiller une mystérieuse cabine au fond d’une cave pendant des mois.

Le rapport entre ces deux jeunes gens, c’est que lorsque la cabine que surveille Chevie au XXIe siècle s’ouvre, Riley se trouve à l’intérieur.

Leur problème ? Outre ce souci évident de voyage dans le temps, le terrible Albert Garrick, magicien, assassin, et père adoptif de Riley, est à leurs trousses. Inutile de préciser que rien ni personne ne peut l’arrêter.

Que dire de l’histoire, sinon qu’elle est bien rythmée, intéressante, parfois angoissante, et que tout est à mon sens parfaitement bien dosé ?
Difficile pour moi d’arrêter de comparer ça à Artemis Fowl, mais j’ai trouvé les personnages un brin moins hauts en couleurs que dans la saga précédente, sans doute parce qu’ici, ils sont tous humains et on peut moins leur donner de caractéristiques physiques frappantes. Pourtant, on retrouve tout de même l’humour de l’auteur dans le traitement des personnages et la dérision avec laquelle il traite les figures d’autorité, quelque chose que je trouve important dans un livre pour ados. Le duo principal fonctionne avec la même dynamique que précédemment, avec une fille tête brûlée et un garçon qui a un peu plus la tête sur les épaules (et moins prompt à prendre des risques), mais les personnages de Chevie et Riley sont nettement différents de Holly Short et Artemis Fowl, impossible de les confondre. L’antagoniste est redoutable, terrifiant et crédible, un personnage assez difficile à réussir, l’auteur a fait un excellent travail. Quand on dit de ce personnage que rien ne l’arrête, c’est que rien ne l’arrête. Je suis allée me coucher au milieu de ma lecture, et j’étais à deux doigts de vérifier sous mon lit avant de dormir.

Un autre aspect de l’histoire que je trouve très bien traité, c’est le voyage dans le temps. Après tout, toute l’histoire est basée là-dessus. On avait déjà eu du voyage temporel dans… Artemis Fowl et le paradoxe temporel. Si vous avez lu un peu de SF, vous saurez peut-être que par paradoxe temporel, on désigne les conséquences d’actions effectuées dans le passé sur le futur d’où vient le voyageur temporel. Il y a plusieurs théories, les trois principales étant : les actions effectuées dans le passé affectent le futur, les actions effectuées dans le passé génèrent une nouvelle ligne temporelle sous la forme d’une sorte d’univers parallèle, et enfin, les actions effectuées dans le passé n’affecteront pas le futur, puisqu’elles ont déjà eu lieu. (Tout va bien, personne n’a encore besoin de paracétamol ?)

Là où je suis plutôt contente, c’est lorsqu’Eoin Colfer choisit de ne plus utiliser la même théorie d’une saga à l’autre. Dans WARP, les actions effectuées dans le passé affectent le futur, et c’est autour de ça que tournera la saga. Un enjeu crucial dans le roman est l’importance de ne pas trop perturber le passé avec des connaissances et technologies du futur, pour laisser le temps suivre son cours. D’ailleurs, l’épilogue ouvre sur le tome suivant qui semble s’appuyer exactement sur ce thème, et depuis que je l’ai lu, je vis dans la douleur car l’édition poche n’est pas sortie et je boycotte les éditions qui (a) prennent deux fois plus de place que nécessaire, et (b) me coûtent autant qu’une semaine de courses (eh oui, les étudiants, c’est fauché comme les blés.) Je craquerai peut-être avant de quitter l’Irlande.

Voilà donc mon avis sur ce nouveau roman d’Eoin Colfer, et mon conseil serait de le mettre entre les mains des pré-ados et ados de votre connaissance, et de le lire vous-même ! Empruntez-le à la bibliothèque, débrouillez-vous, mais j’ai trouvé ce roman vraiment délectable et excitant, je suis ravie d’avoir craqué et je l’ai dévoré dans la soirée (disclaimer : je lis très très vite.) Ce n’est pas parce que c’est pour les ados que les adultes ne peuvent pas l’apprécier. Les années qui passent ne font pas forcément de vous des vieux croûtons, et les dix ou quinze ans écoulés depuis les débuts d’Artemis Fowl ne pèsent certainement pas sur l’écriture de Colfer, que j’ai trouvée ici aussi dynamique et rafraîchissante que jamais.

Trilogie l’Épreuve de James Dashner – Le labyrinthe, La terre brûlée, Le remède mortel

J’ai récemment lu ce qui reste ma meilleure découverte littéraire de 2014 : la trilogie de l’Épreuve, écrite par l’Américain James Dashner. C’est une série de romans pour ados, qui se déroule dans un univers dystopique qui penche vers le post-apocalypse, l’horreur et le suspense, parfum “Sa majesté des mouches”. Au cas où on manquerait encore d’étiquettes, sachez que cette série est aussi souvent comparée à la trilogie des Hunger Games de Suzanne Collins.

Je ne tiens pas à essayer de comparer les deux séries, qui me semblent d’ailleurs assez opposées. Non, ce que je viens vous dire dans cet article, c’est que la trilogie de l’Épreuve est vraiment excellente, et que ce serait dommage de passer à côté.

Dès les premières lignes, on suit un héros adolescent prisonnier dans un ascenseur en train de monter. Il ne se souvient que de son nom : Thomas. Quand l’ascenseur s’arrête enfin, il se retrouve parmi une cinquantaine de garçons dépenaillés dans un lieu parfaitement inconnu, où personne ne répond à ses questions. Il apprend petit à petit qu’ils vivent en bordure du Labyrinthe, dont les portes se referment la nuit pour permettre aux murs de changer de position pendant que des monstres s’y baladent. Thomas est déterminé à devenir un coureur, et à parcourir les méandres du labyrinthe avant la tombée de la nuit afin de trouver la sortie de cet endroit cauchemardesque…

Dans cette histoire, il est impossible de critiquer l’intégralité de la trilogie sans révéler des points clef de l’intrigue, qui constituent le principal intérêt de toute la série. Je vais donc rester volontairement très vague.

Je conseille à tous les auteurs en herbe d’y jeter un coup d’œil : la narration de James Dashner est parfaitement maîtrisée, le suspense est haletant, le mystère rend fou. L’auteur distille petit à petit des éléments qui permettent d’avancer l’histoire, et plus on en sait, plus on comprend que l’on ne sait rien. Chaque réponse appelle dix questions, dans une fuite en avant qui tient le lecteur en haleine à travers les trois tomes. Attention, c’est une série pour ado, mais elle est violente, mieux vaut ne pas la mettre entre les mains des plus jeunes. Vous pensiez que dans Game of Thrones, c’était l’hécatombe ? Attendez de lire l’Épreuve… Par contre, il n’y a pas de scènes osées, car dans un contexte où on ne sait pas si les personnages survivront jusqu’à la fin du paragraphe, on a autre chose à faire que de se préoccuper de sexualité adolescente.

L’auteur réussit parfaitement à poser la question de la véracité de la situation présentée. Lorsque Thomas arrive devant le Labyrinthe, au tout début, il ne sait pas qui il est, à qui il a affaire, ni où il se trouve. Petit à petit, on va lui expliquer certaines choses, il en devine d’autres, mais beaucoup se retrouvent en conflit. Très vite se pose la question de qui croire, et cette problématique est poussée à l’extrême. Saint Thomas ne croit que ce qu’il voit, mais notre héros Thomas aimerait bien pouvoir croire ce qu’il voit… Pourtant, il est forcé de tout remettre en question dans un monde où il n’a aucun repère. Sa perception de la réalité est testée en permanence, il en viendrait à soupçonner tout et tout le monde du pire, y compris lui-même, car comment il arrive un moment où il se demande s’il peut se faire confiance à lui-même…

La galerie de personnages est tout aussi intéressante. Les petits héros sont attachants, cohérents et bien développés. On peut regretter que trop peu des cinquante garçons soient nommés, au profit d’un petit groupe d’une quinzaine de personnages récurrents. Après avoir vécu des mois devant le Labyrinthe, les garçons ont même développé leur propre argot, qui contribue à renforcer le sentiment d’étrangeté du lieu et à construire une identité commune à tous ces grands enfants.

C’est bel et bien mon plus gros coup de cœur de l’année pour l’instant, et nous sommes en juin… C’est une trilogie que je conseille à tout le monde, à partir de douze ans. Je la recommande aux auteurs qui auraient envie de comprendre les mécanismes d’un mystère bien construit et d’une narration impeccablement maîtrisée, au sein d’un récit incroyablement dynamique.