J’ai déjà eu l’occasion de vous parler d’HQN, la collection numérique d’Harlequin, entièrement dédiée aux auteurs francophones.
Évidemment, présenter des livres numériques à un salon physique, ce n’est pas facile, du coup, pour le salon du livre de Paris, HQN a sorti une anthologie papier, demandant à huit de ses auteurs d’écrire une nouvelle sur le Brésil, thème de ce salon. Moi, cette antho elle me tentait bien, parce qu’il y a deux auteures que je connais et apprécie dedans, et aussi d’autres auteurs que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire mais que je croise de temps en temps sur facebook ou la blogosphère. Du coup j’étais curieuse. Sauf que, problème : a priori ce bouquin n’était pas disponible en dehors du salon du livre, et moi, bah, je pouvais pas y aller, au salon. Mais comme j’ai déjà chroniqué quelques uns de leurs titres, la chargée de comm d’HQN m’a gentiment proposé de me l’envoyer. Vous vous doutez bien que j’ai sauté sur l’occasion. Merci à elle, donc. 🙂
Nouvelles do Brasil, c’est donc 8 auteurs, 8 nouvelles, et un bel échantillonnage de ce qu’on peut trouver chez HQN. Parce que, peut-être que vous le savez, HQN, même si c’est une collection d’Harlequin, ne fait pas que de la romance. Elle lui fait une large part, c’est sûr, mais c’est une collection ouverte à la littérature d’évasion en général. Du coup, sur ces huit nouvelles, il y en a six qui sont effectivement de la romance, mais aussi deux nouvelles policières. Le tout étant lié par le thème du Brésil. Eh bien ça donne un recueil varié et divertissant : on se laisse vite happer et c’est très sympathique d’avoir l’occasion de passer ainsi d’un univers à l’autre.
Bon, allez, je commente vite fait (hum… ou pas) chacune des nouvelles.
La vallée des Amazones, d’Angéla Morelli
Une petite romance sympathique, sans trop de surprises — on voit vite où ça va aller — mais qui se lit avec plaisir. Le cadre est original, et l’auteure précise qu’elle s’est basée sur un endroit réel. Bon, je doute un peu qu’une étude en anthropologie se déroule comme ça « en vrai » — l’idée de base, c’est quand même de pas transformer la vie des « sujets » qu’on étudie, mais avec un petit effort de suspension d’incrédulité, ça passe tout seul. Les personnages sont intéressants et sympathiques, j’ai bien aimé le mélange de pop culture et de littérature classique dans les goûts de l’héroïne. Et puis oui, ce village d’amazones, ben, c’est définitivement un sujet intéressant.
Libres, de Julien Tubiana
J’ai beaucoup aimé cette nouvelle construite comme un jeu de piste, entre romance et enquête. Un des problèmes que j’ai parfois en lisant des romances au format nouvelle, c’est que l’histoire d’amour s’installe un peu trop vite, et j’ai du mal à croire aux sentiments durables des deux protagonistes. Julien Tubiana contourne cette difficulté en nous présentant non pas l’histoire d’une conquête mais d’une reconquête. Et ce qu’il y a de chouette, c’est que c’est une reconquête qui marche dans les deux sens. Au début on se dit que c’est le narrateur, dont la compagne vient de le quitter, qui va devoir déployer tous ses efforts pour la reconquérir. Mais en fait, plus on progresse dans l’histoire, plus on se rend compte que le jeu de piste qu’elle lui a préparé est aussi un moyen pour la femme de séduire à nouveau son amant, en leur permettant à tous deux de se redécouvrir et de se débarrasser d’un quotidien qui tue l’amour à petit feu.
Si on ajoute à ça que le jeu de piste en question se déroule à travers les œuvres d’un auteur brésilien, ça explique sans doute que j’ai été complètement conquise par ce texte. Et ça m’a donné envie de découvrir Jorge Amado que je ne connaissais pas. Et d’autres textes de Julien Tubiana, aussi, tant qu’à faire.
O Semeador de Almas, de Gilles Milo-Vacéri
Gilles Milo-Vacéri nous plonge dans une enquête au cœur de la forêt amazonienne. La mission du commandant Gabriel Gerfaut ? Démasquer un « imitateur » qui reproduit les méthodes particulièrement glauques d’un tueur en série pour empêcher que ledit tueur, le fameux « semeur d’âmes » ne soit relâché. Cette enquête le mène à mettre un peu de côté son cartésianisme, lorsqu’il rencontre le sachem d’une tribu jivaro. J’ai apprecié l’écriture sans accroc, le dépaysement et la petite touche fantastique. Côté enquête, je trouve le format nouvelle un peu frustrant, parce que ca oblige à éliminer les suspects potentiels très rapidement, et on arrive à l’identité du coupable sans qu’il y ait trop de suspense.
The man next door, de Emily Blaine
Bon ben c’est pas, mais alors pas du tout, ma came.
Déjà, les héroïnes godiches, j’ai du mal. Non, le fait que tu ne saches pas boire ton café sans t’en foutre partout ne te rends pas attachante. Juste agacante. Je veux dire, quand arrivée à la page 3 j’ai envie d’acheter un bavoir à l’héroïne, c’est que c’est mal parti. Mais c’est surtout le héros que je supporte pas. Des gros machos et des mecs flippants, y en a déjà suffisamment comme ca dans la vie réelle. J’ai pas besoin d’en retrouver quand je me plonge dans de la littérature dite d’évasion.
Et puis sinon, c’est un copié-collé des romances à l’américaine, et je trouve ca vraiment dommage. Je veux dire, je lis HQN parce que c’est une collection francophone, différente. Pas pour relire pour la enième fois l’histoire d’une jeune New-yorkaise qui a la chance inouïe d’être repérée par un mec riche, beau et arrogant — on sait pas trop ce qui retient son attention, d’ailleurs, mais bon. En plus, tous les autres auteurs ont vraiment fait l’effort de faire du Brésil une composante essentielle de leur histoire, même quand toute l’intrigue se déroule en France. Et là, oui, y a bien une portion de l’histoire qui se passe au Brésil, mais sur une « plage paradisiaque » absolument générique, ça aurait pu être la Nouvelle Calédonie ou le Maroc, ça faisait aucune différence.
Festejar, de Matthias Claeys
Coup de coeur pour ce texte ! J’ai tout de suite été happée par l’écriture de Matthias Claeys, que je ne connaissais pas. Bon, en plus, vu sa position dans le recueil, j’ai vraiment été ravie de tomber sur une héroïne qui, dès les premières pages, insiste sur le fait qu’un inconnu qui te fait des sous-entendus sexuels au bout de trois minutes de conversation, c’est pas romantique : c’est flippant. L’héroïne a de la profondeur, sa personnalité se dessine avec subtilité entre les lignes, et on lui pressent un passé fort intéressant. Ce qui n’est pas du tout un hasard, puisque elle apparaît dans des titres précédents que du coup j’ai bien envie de découvrir.
C’est pas facile d’installer un suspense ou de l’angoisse en une nouvelle de quelques pages, et Matthias Claeys y parvient. Le moment où Kristell se retrouve dans l’ascenseur, eh bien je me demandais avec elle si elle était parano ou si elle avait raison de s’en faire. Et pareil, en aussi peu de pages, y a pas mal de retournements de situation, l’attaque ne vient pas d’où on l’attend, certains éléments trouvent une résolution inattendue, bref, je trouve ce texte extrêmement bien maîtrisé. Et si j’ai trouvée Kristell intéressante, que dire d’Hermione, moitié alliée, moitié nemesis de l’héroïne ! La dynamique entre ces deux-là est juste fascinante, une bonne raison de plus de lire la série où on les retrouve toutes les deux, donc.
Et pour ne rien gâcher, j’adore le style d’écriture. Ça a l’air très parlé, mais pour donner cette décontraction et ce naturel au texte, c’est en fait très écrit. Une poétique désabusée et argotique. Bref, j’adhère.
Un corps qui danse, Valéry K. Baran
Je vous parlais de Valéry K. Baran il y a à peine une semaine. Et bien avec cette nouvelle, elle persiste et signe dans le genre « auteure qui maîtrise à la perfection le mariage entre romance et érotisme ». La nouvelle est à l’image de son titre : poétique et sensuelle. On y suit une jeune photographe qui doit couvrir un spectacle de danse pour une expo. Elle succombe très vite au magnétisme d’un des danseurs en particulier, et nous aussi du coup.
Et là, Valéry fait un truc que j’adore : elle écrit une scène de sexe très chaude, sans aucune pénétration. Parce que oui, on peut très bien écrire quelque chose de super hot sans que ca tourne entièrement autour de la pénétration, qui est trop souvent vue comme le « vrai sexe ». Le mot « préliminaires » est super mal choisi à cet égard : les caresses manuales ou buccales n’ont pas forcément pour fonction de préparer à autre chose ; elles peuvent très bien se suffire à elle-même. C’est le cas dans cette première scène ou en fait il n’y a même pas de contact direct entre les deux partenaires, tout se fait à travers le filtre de l’appareil photo, et c’est juste super, super sexy.
Mais en dehors des scènes très chaudes dans l’écriture desquelles Valéry excelle, elle arrive aussi à construire une histoire suivie, toute mignonne et avec un peu de suspense. Bref, un vrai plaisir.
Le choix de Clara, Anne Rossi
Anne est aussi une auteure que je connais et apprécie. J’ai eu l’occasion de la lire tant sur de la romance historique que contemporaine aux Éditions Láska, et là encore, dans un genre ou dans l’autre, c’est un plaisir. Malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion de chroniquer ces titres (Chronique d’un amour fou — réédité sous le titre Pas pour toi — et Les yeux de tempête), parce que je les ai lus avant d’ouvrir ce blog et que je ne fais pas assez confiance à ma mémoire pour en parler sans les relire — et que j’ai tellement de trucs à lire que je m’autorise rarement à lire quoi que ce soit. Mais pour clore cette parenthèse, allez lire Anne Rossi chez Láska : ca vaut le coup.
Le choix de Clara est une romance historique, et c’est vraiment un plaisir d’avoir autant d’univers différents au sein d’un même recueil. J’ai aimé cette nouvelle qui échappe au côté « artificiel » que je reproche souvent à l’historique. Surtout, le thème m’a bien branchée, puisque en présentant une histoire d’amour entre une jeune femme de la bonne société et un esclave, Anne Rossi inverse la dynamique de pouvoir habituelle homme-femme.
On y trouve beaucoup de scènes topiques de la romance : le lit qu’on est obligé de partager — plus ou moins nus parce que les vêtements sont trempés —, la jeune femme qui soigne l’homme blessé, le trouble ressenti en voyant l’autre se baigner… Mais c’est bien fait et agréable à lire. La nouvelle pose aussi la question de l’impossibilité de l’amour dans la servilité, puisque ce n’est qu’une fois que Boye atteint la condition d’homme libre qu’il peut retourner ses sentiments à l’héroïne.
Crash et crush, Sylvie Géroux
Cette nouvelle a été une très bonne surprise, parce que je ne connaissais pas l’auteure et que je m’attendais « par défaut », à une romance classique. Et qu’en fait, c’est du F/F, un genre beaucoup trop rare à mon goût. Et en plus, c’est du F/F bien foutu et bien écrit. Yeah ! En plus de quoi, y a une vraie intrigue, de l’action, des personnages secondaires qui ont une vraie personnalité et ne sont pas juste là pour faire de la figuration. On retrouve là encore un topos de la romance : le personnage qui s’est volontairement retranché dans le célibat suite à des déceptions sentimentales. Mais alors que souvent, je ne suis pas convaincue par la façon dont le héros/l’héroïne décide de s’engager dans une nouvelle relation, ici, ça marche très bien, je crois à ces deux filles qui ont envie de se faire confiance, de réessayer. J’ai beaucoup aimé les dialogues entre les deux héroïnes, ça sonne juste, c’est dynamique, souvent drôle, parfois touchant. Bref, tout ce qu’on a envie de trouver dans une bonne romance. Encore une auteure à suivre, donc !
Pour conclure, si vous avez l’occasion de mettre la main sur ce recueil, n’hésitez pas, il y en a vraiment pour tous les goûts, et c’est le format idéal pour découvrir de nouveaux auteurs. Avec sept nouvelles sur huit que j’ai aimé, voire beaucoup aimé, je le recommande chaudement !
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